Les couleurs embuées de nos
premières années.
Que pouvons-nous saisir de ces
mondes lointains qui furent le nôtre, mais que la mémoire
désintègre dans ses brouillards? Au premier abord, les nouvelles
peintures de Virginia Alfonso semblent relever de l'art
non-figuratif. Les couleurs diluées, sans matière apparente, mais
aux coulées liquides, installent une atmosphère embuée, embrumée,
allusive. Puis, l'oeil s'accoutume et décelée quelques buttées,
quelques points plus stables sur lesquelles s'appuyer, permettant de
réexaminer la lecture du tableau. Tout bien considérée, dans ces
douces flaques de peintures, on identifie tout à coup des pans de
murs aveugles, un couloir, une rue, des coins d'ombres colorés et
des raies de lumière. On pourrait même avec un peu d'imagination
des paysage de landes, des roches ou des rivages et des plages, voir
la longue langue d'un plongeoir avec un rectangle d'une piscine.
A dire vrai Virginia Alfonso nous
tend la perche. Chacune de ses peinture apparemment abstraite est
accompagnée d'un petit dessin d'un genre tout à fait figuratif lui.
Sur ses croquis au trait fin et précis, une fillette (dessinée à
la mine de plomb et partiellement rehaussée au crayon de couleur)
s'abîme dans des occupations de son age. Et si l'on est tant soit
peu attentif, on comprendra vite que les dessins de Virginia Alfonso
donnent à voir « en clair » ce que ses peintures se
contentent s'évoquer évasivement. C'est entendre, pour finir, que
l'abstraction, du point de vue de l'artiste, n'est pas si abstraite
que ça. Et que nous ne nous défaisons jamais du souvenir qui nous
fondent.
L'enfance te ce que nous avons
perdu; nous ne sommes pourtant rien d'autre que ce qu'elle a fait de
nous.
Jean-Louis Roux
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